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La nouvelle déclaration du Québec relative aux comptes permet de mieux composer avec certains comptes détenus conjointement

27 octobre 2022

Par Daniel Frajman

La nouvelle Loi sur la remise de dépôts d’argent aux cotitulaires d’un compte qui sont des conjoints ou des ex-conjoints (également connue sous le nom de Loi sur la remise de dépôts[1]) (la « Loi »), suscite un vif intérêt.

La Loi a été adoptée en juin 2022 et entrera en vigueur le 8 décembre 2022.

L’objectif de la Loi est de permettre au conjoint ou à l’ex-conjoint survivant d’obtenir sa part d’un compte conjoint ou d’un compte détenu conjointement (c’est-à-dire un compte avec des « cotitulaires », au sens de la Loi) relativement au dépôt d’argent au Québec, semble-t-il, sur simple présentation d’un certificat de décès, à condition que les conjoints aient déposé (avant le décès) auprès de l’institution financière une déclaration établissant la part respective des parties dans le solde du compte. Cela permettra de gagner du temps lors de l’accès au compte après le décès, car bien qu’un certificat de décès officiel du Québec soit presque certainement requis (ce qui peut prendre quelques mois à obtenir), il ne semble pas nécessaire de fournir un testament, une recherche testamentaire ou de demander à des liquidateurs autorisés de se manifester et d’accepter d’effectuer des transactions concernant la part détenue par la succession.

Il est intéressant de noter qu’avant le décès de l’une des parties, celles-ci peuvent déposer à tout moment une nouvelle déclaration auprès de l’institution financière pour modifier les parts détenues, ce qui peut être utile dans certaines circonstances.

Malheureusement, la Loi est rédigée de façon très brève et contient de nombreux termes non définis, de sorte qu’il existe une incertitude quant à la signification dans la Loi des définitions de base des termes « conjoint », « institution de dépôts » et « compte de dépôts à vue ». La précision du sens de ces termes nécessitera probablement encore un certain temps. Néanmoins, pour les comptes d’épargne et de chèques de base dans une banque ou une caisse populaire, la Loi s’applique généralement sans ambiguïté si un conjoint ou ex-conjoint cotitulaire dépose la déclaration susmentionnée auprès de l’institution financière.

Ainsi, la Loi prévoit essentiellement, dans les circonstances particulières où elle s’applique, une forme de propriété conjointe liée à ce qu’on appelle en common law un « droit de survie », bien que la Loi ne fasse pas réellement mention du terme « survie ».  Cela peut être en partie le résultat de l’inexistence ou de la rareté des frais de vérification au Québec. Le droit des biens québécois ne prévoit pas (contrairement aux provinces de common law) de droit de survie au décès pour les biens détenus conjointement.  De plus, en l’absence des dispositions de la Loi, la jurisprudence au Québec prévoit une présomption (différente à bien des égards de celle des provinces de common law) selon laquelle les biens en copropriété ou à propriété conjointe (même si les deux propriétaires sont des conjoints) sont détenus en parts égales par les parties[2].

Parmi les questions d’interprétation de la Loi qui devront être traitées, il sera intéressant de voir si le terme « compte de dépôts à vue » est élargi pour inclure certains REER, FRR et autres régimes de retraite enregistrés ou régimes similaires (que la jurisprudence québécoise interprète souvent comme des comptes de placement entre un créancier et un débiteur[3], tant qu’ils ne constituent pas des rentes, de sorte que ces régimes enregistrés pourraient être considérés comme des comptes de dépôts à vue régis par la Loi).   Toutefois, même s’il est finalement reconnu que ces régimes enregistrés sont régis par la Loi, il semble que toute tentative de transfert de parts de propriété à l’égard d’un régime enregistré nécessite probablement beaucoup plus de précautions que l’utilisation de la déclaration requise par la Loi, afin d’éviter de désenregistrer par inadvertance le régime enregistré ou toute autre conséquence négative en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) ou de la Loi sur les impôts (Québec).

En conclusion, il semble que l’objectif de la Loi est de permettre aux parties (conjoints et ex-conjoints) cotitulaires d’un compte de passer outre la présomption québécoise de copropriété en parts égales, en établissant de manière directe et accessible l’accord des parties sur la répartition de la copropriété du compte[4]. Étant donné qu’un grand nombre de conjoints ou d’ex-conjoints ont des comptes de dépôts à vue en copropriété, la Loi, après son entrée en vigueur en décembre 2022, deviendra un outil courant.

N’hésitez pas à me transmettre vos questions sur la nouvelle Loi sur les remises de dépôts d’argent, ou sur la propriété ou d’autres sujets similaires.

 

[1] Lois du Québec 2022, chapitre 22, article 291.

[2] Laliberté c. Sansoucy, 2013 QCCA 875 (présomption de propriété en parts égales).

[3] Banque de Nouvelle-Écosse c. Thibault, 2004 CSC 29.

[4] Articles 4 et 2 (2) de la Loi (déclaration indiquant le partage de la copropriété, aux fins de remise par l’institution des parts au décès d’un des cotitulaires; en l’absence de déclaration, des parts respectives égales semblent présumées).


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