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Attention, un dividende en situation d’insolvabilité peut appauvrir les actionnaires !

9 septembre 2020

Par Philippe Brunelle

Dans une décision récente de la Cour canadienne de l’Impôt[1], l’Honorable Don. R. Summerfeldt commente les principes applicables relativement à l’article 160 de la Loi de l’impôt sur le revenu[2] (L.I.R.) de manière très intéressante, concluant néanmoins tout comme l’avait fait la Cour d’appel fédérale l’arrêt Gilbert c. la Reine[3] (Gilbert) que le plein montant d’un dividende avant impôts peut être réclamé à l’actionnaire en cas d’application de l’article 160 L.I.R.

L’article 160 L.I.R. vise à encadrer les transferts d’un débiteur fiscal à des personnes liées sans juste contrepartie. Notamment, pour le dossier qui nous intéresse, il permet aux autorités fiscales de réclamer au récipiendaire d’un dividende un montant égal à la dette fiscale de la société payant le dividende, et ce, jusqu’à concurrence de la juste valeur marchande du dividende.

Dans la cause Mamdani Family Trust (Mamdani), la fiducie actionnaire d’une société devenue insolvable a reçu au cours des années 2000, 2001 et 2002 des dividendes totalisant plus de 3 500 000 $. Suivant la réception de ces dividendes, la fiducie et ses bénéficiaires ont payé près d’un million de dollars en impôts, leur laissant un actif issu de ces dividendes de moins de 3 millions de dollars.

La position de l’Agence du revenu du Canada devant la Cour canadienne de l’impôt visait à récupérer de la fiducie et ses bénéficiaire la valeur totale brut des dividendes, soit plus de 3 500 000 $.

Pour contrer cette position, l’appelante présenta une évaluation extensive de la juste valeur marchande des dividendes devant être considérée aux fins de l’article 160 L.I.R., avançant que la juste valeur marchande était le dividende après imposition, de moins de 3 millions de dollars. En effet, l’expertise considère que la juste valeur marchande du dividende variera selon le taux d’imposition qui sera payé par le récipiendaire.

Pour le Tribunal, il faut d’abord déterminer le moment où la valeur du dividende doit être déterminée en vertu de l’article 160 L.I.R, soit le « moment du transfert ». Ce faisant, le Tribunal conclut qu’au moment où le dividende est émis par la société, soit le « moment du transfert », il vaut plus de 3 500 000 $, ce qui coïncide avec le moment où il est reçu par la fiducie, toujours à cette valeur. La valeur du dividende aux fins de l’article 160 L.I.R. est donc la valeur brute de celui-ci, et non sa valeur moins les impôts payés.

Le fardeau fiscal lié pertinent pour l’article 160 L.I.R. est donc le plein montant du dividende. L’appelante soulevait également qu’il y avait double imposition, puisqu’elle était imposée au moment de recevoir le dividende en plus d’avoir une dette fiscale potentielle pour le plein montant par l’effet de l’article 160 L.I.R. Or, le Tribunal conclue que l’article 160 L.I.R. est une disposition de recouvrement d’impôts, et non de création de fardeau fiscal. Cet article permet simplement de transférer la dette d’un débiteur fiscal à une partie liée sans créer d’impôt additionnel. Il n’y a donc pas de double imposition.

Ainsi, tout comme la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Gilbert, le Tribunal conclue que la fiducie et les bénéficiaires sont respectivement responsables jusqu’à concurrence du plein montant du dividende reçu avant impôt, et ce, malgré le fait qu’ils aient collectivement déjà payé près d’un million de dollars en impôts suivant la réception de ce dividende.

Le Tribunal souligne qu’aux États-Unis, un paiement suite à une cotisation basée sur l’article équivalent à l’article 160 L.I.R. donne ouverture à la réclamation d’une perte, permettant ainsi de contrer l’effet de l’impôt payé antérieurement. Malheureusement, aucun principe similaire n’a été introduit à la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[1] Mamdani Family Trust v. The Queen, 2020 TCC 93

[2] L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)

[3] 2007 CAF 136


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