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Courte période de détention? Conversion en copropriété? Profit important? Cela n’exclut pas la possibilité d’un gain en capital plutôt qu’un revenu d’entreprise

10 août 2020

Par Philippe Brunelle

La Cour d’appel du Québec s’est récemment prononcée, deux fois plutôt qu’une, sur la distinction entre un gain en capital et un revenu d’entreprise lors de la vente d’immeubles. En effet, dans les causes Bishara[1] et Latulippe[2], la Cour d’appel a renversé les décisions de première instance de la Cour du Québec, donnant ainsi raison aux contribuables impliqués.

Dans Bishara, la position de la Cour du Québec, tout comme celle de l’Agence du revenu du Québec, reposait essentiellement sur la preuve documentaire disponible. En effet, comme le contribuable avait effectué des ventes d’immeubles avec des conditions similaires, dans un lapse de temps rapproché et que la durée de détention des immeubles était courte, l’Agence du revenu du Québec a considéré que l’intention primaire et/ou secondaire du Contribuable au moment de l’achat était celle de réaliser un profit à la revente. La Cour du Québec, quant à elle, a considéré que le contribuable n’avait pas présenté une preuve suffisante pour renverser la présomption de validité de la cotisation émise, considérant au surplus que la trame factuelle selon la preuve documentaire disponible supportait la position de l’Agence du revenu du Québec.

Or, la Cour d’appel, analysant la preuve, a considéré que la détention de chacun des immeubles, pendant des périodes de six mois et quatorze mois respectivement avant la mise en vente de chacun, pouvait être suffisante pour qu’il y ait réellement une intention d’habiter ces immeubles, et ce, contrairement à la Cour du Québec qui faisait état d’une détention de « quelques semaines ». Également, bien que les transactions soient similaires et rapprochées dans le temps, l’explication du contribuable pour justifier les déménagements, et donc les achats et ventes d’immeubles, a été jugée cohérente par la Cour d’Appel, faute par la Cour du Québec d’expliquer dans sa décision pourquoi la version du contribuable était remise en question et pourquoi il faudrait lui attribuer une intention de profit plutôt qu’une intention de demeurer dans les immeubles.

La Cour d’appel a donc renversé la décision de la Cour du Québec et a annulé la cotisation émise par l’Agence, reconnaissant ainsi que le revenu tiré de la vente des immeubles n’était pas un revenu d’entreprise, mais bien de la nature d’un gain en capital dont 50% n’est pas imposable.

Quant à la décision Latulippe, rendue le 16 décembre 2019, celle-ci rappelle également les critères relatifs à l’intention primaire et secondaire d’un contribuable lors de l’achat d’un immeuble, lesquels sont déterminants afin de qualifier le revenu découlant de la vente dudit immeuble. La Cour d’appel rappelle que le fait de considérer, au moment de l’achat, qu’une vente pourra être faite à profit si une offre suffisamment élevée est reçue n’est pas suffisant pour qu’il y ait un « projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial », qui serait un indice supplémentaire qu’il y a entreprise.

Par ailleurs, cette décision présente un aspect pertinent dans le cadre de la conversion d’immeubles en copropriétés. En effet, le paragraphe 13 du bulletin d’interprétation fédéral IT-218R «Profits sur la vente de biens immeubles» prévoit que lorsqu’un immeuble détenu en immobilisation est transformé en condos divis, il sera réputé converti en bien en inventaire. Concrètement, comme la vente d’un bien détenu en inventaire crée un revenu d’entreprise plutôt qu’un gain en capital, le revenu tiré de la vente d’un immeuble converti en copropriétés serait considéré comme étant un revenu d’entreprise.

En vertu de cette interprétation, l’Agence du revenu du Québec considérait dans Latulippe qu’une conversion en copropriété, divise ou indivise, se traduisait nécessairement par un revenu d’entreprise. La Cour d’appel indique que non seulement l’analyse doit être faite malgré l’interprétation IT-218R et que celle-ci ne peut pas automatiquement créer un revenu d’entreprise, mais au surplus qu’il n’y avait pas de revenu d’entreprise dans la situation présentée.

En effet, les immeubles avaient été détenus pendant plusieurs années par les contribuables, qui décidèrent éventuellement de les convertir en condominiums pour maximiser la valeur de revente. Or, contrairement à l’Agence du revenu du Québec, la Cour d’appel considère qu’il n’y a pas de risque d’affaires de procéder de la sorte, le risque d’affaires étant un autre des critères du revenu d’entreprise, cette conversion étant faite dans un marché favorable à la revente. Au surplus, dans la mesure où l’intention de convertir pour revendre à profit n'était pas présente au moment de l’acquisition, la conversion tout juste avant la mise en vente de l’immeuble ne venait pas changer l’intention originale des contribuables.

La Cour d’appel a donc conclu dans cette décision qu’il pouvait y avoir gain en capital lors de la vente malgré une conversion en copropriété au cours des mois précédents.

N’hésitez pas à contacter les membres de notre équipe si vous avez un projet immobilier ou si vous avez reçu un avis de cotisation recaractérisant le revenu tiré de la vente d’un immeuble.

 

[1] Bishara c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 854

[2] Latulippe c. Agence du revenu du Québec, 2019 QCCA 2177


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