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Registres et méthodes arbitraires de vérification fiscale

20 avril 2020

Par Jonathan Éthier

La Loi sur l'administration fiscale[1] assujettit quiconque exploite une entreprise ou encore est tenu de déduire, retenir ou percevoir un montant en vertu d’une loi fiscale (ex : la taxe de vente du Québec - TVQ) à une obligation de tenir des registres[2]. La notion de « registre » est fort large : tout document, quel qu’en soit le support (ex : papier, format électronique), qui sert à colliger un ensemble d’informations à des fins, notamment, comptables, financières, fiscales ou légales devront être conservés[3].

Règle générale, les registres et leurs pièces justificatives devront être conservés pendant six ans après la dernière année à laquelle ils se rapportent[4]. Par exemple, pour un particulier en affaires, un reçu au soutien d’une dépense courante du 1er février 2020 devrait être conservé jusqu’au 31 décembre 2026.

Les vérificateurs de Revenu Québec sont précisément autorisés à examiner les pièces et registres des contribuables[5]. Ceux-ci devraient pouvoir corroborer les revenus déclarés. En l’absence de registres ou de pièces justificatives, un vérificateur pourrait à juste titre opter pour une méthode alternative ou indirecte de vérification pour reconstituer les ventes d’un contribuable donné et ses revenus aux fins fiscales, le ministre n’étant pas lié par les renseignements que les contribuables lui transmettent[6]. La méthode utilisée devrait à tout le moindre être suffisamment fiable quoiqu’impliquant un part d’arbitraire.

Dans l’affaire Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec[7], la Cour d’appel du Québec a reconnu que Revenu Québec avait été justifiée d’établir les revenus d’une société suivant une méthode alternative en raison du caractère manifestement inexact des états financiers, du manque de collaboration de la société et de son seul actionnaire et administrateur et devant l’absence d’explications crédibles de ce dernier[8]. Les revenus avaient été reconstitués à partir de déclarations publiques de l’actionnaire sur le chiffre d’affaires de la société.

En l’espèce, les montants cotisés au niveau de la société avaient également été ajoutés au revenu de l’actionnaire à titre d’appropriation de fonds. La Cour d’appel du Québec a souligné que les éléments suivants étaient suffisants pour conclure que l’actionnaire s’était approprié les fonds de la société : a) la société avait généré des revenus non déclarés eu égard aux années en litige; b) les revenus ne figuraient pas aux états financiers et aucune explication raisonnable n’avait été avancée; et c) l’individu était le seul actionnaire et administrateur de la société et en avait le plein contrôle[9].

Un particulier contestant les cotisations émises à son endroit à titre d’appropriation de fonds aura tout avantage à mettre en preuve des chiffres qui font du sens ou à fournir des justifications qui se tiennent et ce, quoique les montants ajoutés à son revenu découlent de cotisations arbitraires d’une société. En effet, lorsque les cotisations sont présumées valides, la jurisprudence enseigne qu’il n’appartient pas à Revenu Québec de prouver quand et comment l’encaissement des fonds par l’actionnaire a eu lieu[10].

Par exemple, dans l’affaire Bastrach c. Agence du revenu du Québec[11], le vérificateur avait reconstitué un ratio de ventes en argent d’un bar par once d’alcool vendue. Des cotisations avaient été émises personnellement à l’endroit des actionnaires à titre d’appropriation de fonds au prorata de leur détention dans la société. Ultimement, les cotisations personnelles ont été confirmées par le tribunal. Le tribunal a reproché au passage à certains des demandeurs l’absence de preuve quant à leurs finances et niveaux de vie et quant à l’utilisation faite par la société des entrées de fonds non déclarées.

N’hésitez pas à communiquer avec l’auteur de cet article si vous faites l’objet d’une vérification ou avait été cotisé par les autorités fiscales.

 

Cet article a été publié initialement sur Thelawyersdaily.ca

 

[1] Loi sur l'administration fiscale, L.R.Q., c. A-6.002 (la « L.A.F. »).

[2] Id., article 34, alinéa 1.

[3] Cf. définition de « registre », article 1.0.1 L.A.F.

[4] Cf. article 35.1, alinéa 1 L.A.F..

[5] Cf. article 38, alinéa 2a) L.A.F.

[6] Cf. article 95.1 L.A.F.

[7] Alertpay Incorporated c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 46.

[8] Id., paragraphe 46.

[9] Id., paragraphes 48 et 49.

[10] Cf. Bastrach c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCQ 953, paragraphe 71.

[11] Id.


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