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Avis de cotisation : devrais-je payer d’avance?

25 septembre 2019

Par Jonathan Éthier

Il n’est pas rare que les autorités fiscales entament une vérification s’attaquant à plusieurs années d’imposition d’un contribuable donné. Par exemple, une société pourrait faire l’objet d’une vérification quant à ses exercices terminés en 2016, 2017 et 2018. Dans la mesure où le fisc prendrait comme position que celle-ci n’aurait pas déclaré la totalité de ses revenus sur plus d’une année, plusieurs avis de cotisation pourraient être émis en conséquence, soit pour chacune des années antérieures faisant l’objet de la vérification. Après l’émission des avis de cotisation, la société pourra contester ces cotisations auprès du Chef des appels (au fédéral) ou de la Direction principale des oppositions de Revenu Québec (au provincial), voire devant le tribunal si les démarches en opposition devaient être infructueuses.

Nonobstant le résultat ultime de l’opposition ou d’un jugement à venir, tout contribuable devrait se poser la question suivante à la réception des avis de cotisation : devrais-je payer d’avance?

D’emblée, il importe de souligner que le paiement d’un avis de cotisation faisant l’objet d’une opposition n’équivaut pas à une admission de responsabilité. Quoiqu’un contribuable puisse vouloir se battre en opposition, il pourrait être avenant de payer la dette dès la réception d’un avis de cotisation.

Par exemple, le paiement d’une somme en litige permet de stopper l’hémorragie afférente à l’accumulation des intérêts sur la dette fiscale pendant la contestation. Les autorités fiscales imposeront des intérêts sur tout montant d’impôt, d’intérêt ou de pénalité qui pourrait être encore dus après l’opposition ou après l’issue du processus judiciaire (ex : règlement hors cour ou jugement)[1]. Il est à noter que les intérêts chargés par le fisc se capitalisent quotidiennement[2] et sont calculés au taux prescrit. Actuellement, ce taux sur les créances de Revenu Québec correspond à 7% alors que celui des créances de l’Agence du revenu du Canada est de 6%[3].

Également, le paiement d’une somme en litige pourrait permettre d’obtenir un remboursement plus généreux de la part du fisc. Telle situation pourrait survenir si, par exemple, les cotisations venaient à être annulées par l’agent d’opposition ou par ordonnance judiciaire et qu’un remboursement des sommes en litige devait avoir lieu en faveur du contribuable. Les autorités fiscales paieront des intérêts sur les remboursements[4]. Ceux-ci sont calculés sur la période entre le paiement initial du contribuable et le jour du remboursement. Il est à noter que les taux d’intérêts afférents aux remboursements sont moindres que ceux applicables aux sommes dues aux autorités fiscales par les contribuables (au fédéral : 2% pour les sociétés, 4% pour les autres contribuables; au Québec : 1,8%).

La Cour fédérale a récemment eu l’occasion de se prononcer sur l’obligation des autorités fiscales de payer de l’intérêt à un contribuable. Dans l’affaire Glatt c. Canada (Revenu national)[5], un contribuable avait été cotisé pour une pénalité de 2 800 000$. Il avait soumis un avis d’opposition à l’avis de cotisation puis avait ensuite porté le débat devant le tribunal. Afin de réduire l’impact des intérêts s’accumulant sur la dette fiscale contestée, le contribuable avait fait un paiement anticipé d’un million de dollars au fisc. En appel, la cotisation en litige, laquelle ne stipulait aucune année d’imposition précise, avait été annulée et une nouvelle cotisation avait été émise prévoyant un remboursement du paiement initial d’un million de dollars. Toutefois, le gouvernement refusait de payer des intérêts sur le remboursement octroyé au contribuable. Il est à noter que la nouvelle cotisation annulant la première renvoyait à l’année d’imposition 2012. Ultimement, le tribunal a conclu que la nouvelle cotisation n’était pas raisonnable : des intérêts devaient être versés au contribuable sur le remboursement de la somme d’un million de dollars.

Au final, le paiement anticipé d’un avis de cotisation pourrait être une avenue intéressante pour les contribuables malgré l’intention de contester en opposition. L’impact d’un tel paiement sur les liquidités d’une entreprise devrait être évidemment soupesé avant de procéder.

 

[1] Cf. par. 161(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.) (« L.I.R. »); art. 28 de la Loi sur l'administration fiscale, L.R.Q., c. A-6.002 (« L.A.F. »).

[2]; Cf. art. 161 L.I.R. et par 248(11) L.I.R.

[3] Ces taux sont ceux en vigueur pour la période du 1er juillet 2019 au 30 septembre 2019.

[4] Cf. al. 164(3)e) L.I.R.; art. 30 al. 1c) L.A.F.

[5] Glatt c. Canada (Revenu national), 2019 CF 738.

 

This article was originally published by The Lawyer’s Daily (www.thelawyersdaily.ca), part of LexisNexis Canada Inc. 

The author would like to thank Hyacinthe Huguet, articling student, for his precious help.


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