9 octobre 2024
21 mai 2019
Par Jonathan Éthier
Le récent jugement 6075240 Canada Inc. c. Canada[1] apporte des développements en matière de prescription fiscale en impôt.
En l’espèce, une société sollicitait le contrôle judiciaire de la Cour fédérale relativement au refus de l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») de traiter des déclarations de revenus. En effet, la contribuable avait fait l’objet de cotisations estimatives par l’ARC suite à son défaut de produire une déclaration de revenus quant à ses années d’imposition 2010 et 2012. La société avait finalement tenté de présenter ses déclarations pour les années en litige aux fins de contrecarrer le résultat des cotisations initiales. Elle se heurta toutefois au refus du fisc, car plus de trois ans s’étaient écoulés depuis l’émission des cotisations arbitraires.
Ultimement, le tribunal a rejeté la demande en contrôle judiciaire puisque les années en question étaient prescrites et que la contribuable n’avait pas réussi à prouver que la décision était déraisonnable.
Le législateur a créé le concept de « période normale de nouvelle cotisation ». Il s’agit d’un délai qui encadre le pouvoir de l’autorité fiscale d’établir une nouvelle cotisation. Règle générale, l’ARC pourra cotiser de nouveau dans les trois ans suivant la date où elle a envoyé un premier avis de cotisation pour une année d'imposition donnée. Dans le cas de la contribuable, l’établissement d’une nouvelle cotisation aurait été la conséquence logique du traitement de ses déclarations de revenus amendées pour « renverser » les cotisations arbitraires.
Le jugement rappelle que le délai de prescription s’écoule dès l’émission d’une cotisation arbitraire en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu[2].
Au demeurant, le tribunal enseigne que la Loi sur les impôts[3] (la « Loi québécoise »), ne peut servir à interpréter son équivalent fédéral. Les règles sur la prescription sont distinctes dans les deux régimes. En effet, en vertu de la Loi québécoise, Revenu Québec pourra traiter une déclaration de revenus amendée plus de trois ans après l’émission de cotisations arbitraires considérant qu’il est loisible au ministre de le faire dans les trois ans de la date de production d’une déclaration si telle date est plus tardive que celle d’une cotisation arbitraire émise antérieurement.
Il serait heureux qu’un changement législatif intervienne au niveau de la loi fédérale aux fins d’harmoniser les règles sur la prescription avec celles du provincial pour les contribuables corporatifs. L’ARC ne devrait pas jouir d’un droit acquis sur une cotisation arbitraire ou estimative lorsque celle-ci résulte du seul défaut de présenter une déclaration de revenus alors qu’en parallèle, Revenu Québec peut traiter une déclaration soumise après maintes années.
En attendant que le Parlement ne s’en mêle, les sociétés ne sauraient être trop prudentes en présentant leurs déclarations T2 en temps utile.
[1] 6075240 Canada Inc. c. Canada (Revenu national), 2019 CF 642.
[2] Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi » ou « L.I.R. »).
[3] Loi sur les impôts, RLRQ, c. I-3 (la « Loi québécoise » ou « L.I. »).