28 octobre 2024
7 mai 2019
Par Jonathan Éthier
On ne saurait trop insister sur l’importance de respecter les différents délais que la législation impose aux contribuables pour exercer leur droit de contestation.
Au provincial, une personne peut s’opposer à une cotisation en présentant un avis d’opposition par écrit dans les 90 jours de la date d’envoi d’un avis de cotisation[1]. Une règle analogue s’applique au fédéral que ce soit en impôt ou en TPS[2]. Après l’expiration de ce délai, une demande en prorogation du délai pour s’opposer à un avis de cotisation devra être soumise aux autorités fiscales. Une telle demande pourrait être refusée selon les circonstances, d’où l’intérêt en amont de s’opposer à l’intérieur du délai de 90 jours.
L’article 87 de la Loi sur l'administration fiscale (« L.A.F. ») prévoit que la date d’envoi d’un avis de cotisation est présumée être celle indiquée sur l’avis. Au fédéral, il s’agit sensiblement de la même règle en TPS[3] et en impôt, la date d’envoi d’un avis de cotisation est présumée être celle à laquelle l’avis a été posté (ou envoyé électroniquement)[4].
Lorsqu’un contribuable n’a pas reçu son avis de cotisation du provincial, il pourra s’adresser à la Cour du Québec afin qu’un juge ordonne au ministre de lui notifier une copie certifiée de l’avis de cotisation. À ce titre, le tribunal devra être convaincu par preuve prépondérante que l’avis de cotisation n’a pas été reçu et que le contribuable subit un préjudice autrement irréparable. L’intérêt d’une telle demande s’explique par le fait qu’il pourra ensuite présenter son opposition. En effet, le délai de 90 jours commencera à courir à la date de la notification de l’avis de cotisation suite à l’ordonnance judiciaire.
Au fédéral, dans la mesure où le ministre peut prouver que l’avis de cotisation a été envoyé (en taxes) ou mis à la poste (en impôt), on présumera que son envoi ou son envoi postal, selon le cas, a eu lieu à la date sur l’avis[5]. Pour contrer cette présomption, un contribuable ne pourra nécessairement se rabattre sur le fait qu’il n’a pas reçu un avis de cotisation ou profiter d’un remède similaire au provincial en pareilles circonstances. En effet, le ministre jouit d’une présomption irréfutable à l’effet que tout envoi en première classe ou l’équivalent est réputé reçu par un contribuable à la date de sa mise à la poste[6].
Jurisprudence récente : les affaires Trottier et Kirschke
Le jugement Trottier c. Agence du revenu du Québec[7] apporte certains enseignements pertinents en droit provincial sur la non-réception d’un avis de cotisation. En l’espèce, une contribuable demandait à la Cour du Québec d’ordonner à Revenu Québec de lui signifier des avis de cotisation[8]. À ce titre, le tribunal devait évaluer si un avis de cotisation avait été reçu ou non par la contribuable.
Ultimement, la Cour a donné raison à la contribuable, et ce, quoique l’avis de cotisation émis en novembre 2015 avait été envoyé à l’adresse désignée dans sa déclaration de revenus pour 2015. La contribuable avait tout de même réussi à démontrer qu’elle n’était pas au Canada lorsque Revenu Québec avait émis l’avis de cotisation, qu’elle n’avait pas de résidence au Québec et qu’elle ne l’avait pas reçu. En effet, il appert qu’au moment de l’émission de l’avis de cotisation, la contribuable avait notamment quitté pour l’Italie et que l’avis de cotisation avait été envoyé à son ancien logement où sa mère résidait.
Le tribunal n’a pas manqué de rappeler que l’article 87 L.A.F. établit une présomption quant à la date d’envoi d’une cotisation et non une présomption de sa réception (comme on retrouve au fédéral). De plus, il a soulevé que dans le cadre d’une telle demande au ministre de notifier une copie certifiée de l’avis de cotisation à un contribuable, il n’y aura pas lieu de prouver une impossibilité d’agir pour un contribuable. Cette exigence se rapporte plutôt aux demandes en prorogation du délai d’opposition.
L’affaire Kirschke v. The Queen[9] est également d’intérêt sur la question des avis de cotisation non reçus. En l’espèce, une contribuable demandait une prorogation de délai pour s’opposer à différents avis de cotisation alléguant qu’elle n’avait jamais reçu les avis et donc, qu’ils n’avaient jamais été envoyés.
La preuve démontrait que les avis de cotisation avaient été envoyés à une ancienne adresse de la contribuable bien que cette dernière avait auparavant avisé l’Agence du revenu du Canada (l’ « ARC ») de son changement d’adresse. Le tribunal a soutenu que pour que la présomption irréfutable de réception d’un avis de cotisation s’applique (au fédéral), encore faut-il que celui-ci soit envoyé à la bonne adresse. La présomption ne pouvait donc s’appliquer.
Ultimement, la Cour canadienne de l’impôt a rejeté la demande concluant que la contribuable s’était dûment opposée à ses avis de cotisation à l’intérieur du délai de 90 jours. En effet, les avis auraient pu avoir été « envoyés » lorsqu’elle en a eu pour la première fois connaissance lors d’un appel téléphonique avec l’ARC un peu moins de deux ans après leur émission.
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Désormais, avec les services en ligne de type Mon dossier offerts tant par l’ARC que par Revenu Québec, il est devenu aisé de vérifier si des avis de cotisation sont émis à notre égard. Une visite de temps à autre pourrait éviter les ennuis d’une bataille judiciaire pour en obtenir copie d’un avis de cotisation ou se voir accorder une demande de prorogation de délai pour s’opposer.
[1] Cf. Loi sur l'administration fiscale, L.R.Q., c. A-6.002, article 93.1.1.
[2] Cf. paragraphe 165(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (« L.I.R. ») ; paragraphe 301(1.1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 (« L.T.A. »).
[3] Cf. paragraphe 335(10) L.T.A.
[4] Cf. paragraphe 244(14) L.I.R.
[5] Cf. Boroumend c. La Reine, 2016 CCI 256, par. 3. (appel rejeté : Boroumend c. Canada, 2017 CAF 245) ; DaSilva c. La Reine, 2018 CCI 74, par. 4.
[6] Cf. paragraphes 248(7) L.I.R. et 334(1) L.T.A.
[7] Trottier c. Agence du revenu du Québec, 2019 QCCQ 1167.
[8] Cf. art. 87 L.A.F.
[9] Kirschke v. The Queen, 2019 TCC 68.
Cette publication vise à donner des renseignements généraux sur des questions et des développements d’ordre juridique à la date indiquée. Les renseignements en cause ne sont pas des avis juridiques et ne doivent pas être traités ni invoqués comme tels.