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Droit fiscal, Litige

Les avocats n'ont pas le monopole des procédures et de la représentation d’une partie devant le TAQ en matière de taxes foncières

22 février 2019

Par Laurent Debrun

La Cour supérieure vient de décider que les avocats n'ont pas le monopole des procédures et de la représentation d’une personne ou d’une société devant le TAQ, Section des affaires immobilières,  en matière de taxes foncières (Ville de Longueuil c. Cour du Québec et al. (2018) QCCS 5546.

L’honorable Thomas M. Davis, J.C.S, rend ici une décision importante dans la foulée de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Barreau du Québec c. Québec (Procureure générale) 2017 CSC 56.

Le juge rejette une demande de révision judiciaire du jugement de la Cour du Québec qui se prononçait quant à des décisions du TAQ qui, dans certains dossiers avait accueilli des requêtes en irrecevabilité à l’encontre de contestations de comptes de taxes foncières au motif que les requérants n’étaient pas représentés par avocat, alors que, dans d’autres dossiers, le TAQ avait rejeté des requêtes semblables. La Cour du Québec avait confirmé le droit d’une société d’agir et d’être représentée devant le TAQ par un mandataire qui n’était pas avocat.

Le TAQ, Section des affaires immobilières, avait permis à une société, Métaux Russel Inc., (représentée par un simple cadre mandaté à cette fin) d’agir devant lui, tant pour la préparation des procédures initiant la contestation du compte de taxes que pour la vacation devant le tribunal et les représentations. Le recours concernait la contestation d’évaluations foncières par diverses municipalités dont celles de Longueuil, Laval et Sherbrooke.

Les villes, appuyées en cela par le Barreau du Québec, invoquaient les articles 128 et 129 de la Loi sur le Barreau (LB) pour prétendre que ces actes relevaient du monopole de l’avocat.

Après avoir jugé que la norme de contrôle de la décision du TAQ est celle de la décision correcte (par opposition à raisonnable), car elle concerne l’interprétation de la Loi sur le Barreau et non une question relevant du champ d’expertise du TAQ ou même sa loi habilitante, Monsieur le juge Davis décide que les articles 128 et 129 de la LB, lus ensemble, selon l’esprit et la volonté du législateur, ont pour objectif de favoriser l’exercice des droits devant les tribunaux administratifs exerçant des fonctions quasi judiciaires, notamment du fait que cette représentation ne comporte pas la même réalité que devant les tribunaux judiciaires.

Il n’est pas pertinent, selon le tribunal, de faire une distinction réductionniste entre agir et se faire représenter par un non avocat. Se faire représenter devant le TAQ inclut les actes de représentation de vive voix, tel plaider, et les mesures de représentation écrite, tel préparer les actes de procédure.  Représenter une personne est plus large qu’agir pour elle dans la LB et ces gestes ne sont pas de ceux que la LB entend réserver aux seuls avocats. Ainsi, selon ce jugement, une personne qui n’est pas avocat peut préparer le recours, le déposer au nom d’une personne morale et représenter celle-ci devant l’instance quasi judiciaire qu’est le TAQ.

Qui plus est, la société pouvait mandater son contrôleur (qui pourtant n’est pas officier ou administrateur de la société) pour préparer le formulaire d’appel devant le TAQ et représenter la société. Le contrôleur était mandaté par la société et ceci lui donnait un statut suffisant selon la cour.

Ce jugement s’inscrit donc dans un mouvement judiciaire tendant à favoriser l’atteinte de la volonté exprimée par le législateur dans la LB et certaines lois relevant du domaine administratif et quasi judiciaire à l’effet que l’accès à la justice est un droit important et que de permettre aux citoyens et aux personnes morales de pouvoir agir devant ces seules instances non judiciaires sans être représentés par avocat est une valeur sociétale qui doit être reconnue, acceptée et favorisée.

 

Cette publication vise à donner des renseignements généraux sur des questions et des développements d’ordre juridique à la date indiquée. Les renseignements en cause ne sont pas des avis juridiques et ne doivent pas être traités ni invoqués comme tels.


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