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Montréal versus Toronto et l’hyperactivité de l’Agence du revenu du Québec

4 juin 2013

Par Alexandre Dufresne

Les médias font de plus en plus état de situations où l’Agence du revenu du Québec utilise ses nombreux pouvoirs de façon agressive et déraisonnable. À cet égard, il est intéressant d’analyser certaines statistiques publiées récemment par le Juge en chef de la Cour canadienne de l’impôt, Monsieur le Juge Gerald Rip.

Lors d’une présentation au Comité de liaison de la Cour canadienne de l’impôt, le 4 février 2013, le Juge en chef a dressé un portrait des procédures en matière fiscale (impôt et taxes de vente) devant la Cour canadienne de l’impôt à Montréal et à Toronto.

Il serait logique de croire que le nombre de dossiers à Montréal versus Toronto soit proportionnel à la population de chacune des villes. Voici quelques statistiques démographiques récentes (et approximatives) :

Endroit

Population

Endroit

Population

Ratio (QC/Ont)

Montréal

      1 650 000

Toronto

       2 608 000

1 pour 1,58

Région métropolitaine
de Montréal

      3 825 000

Région métropolitaine
de Toronto

       5 583 000

1 pour 1,76

Québec (province)

      8 081 000

Ontario

     13 510 000

1 pour 1,67

 

 

Endroit

Pourcentage Canadien de détention d’entreprise

Endroit

Pourcentage Canadien de détention d’entreprise

Ratio (QC/Ont)

Québec (province)

5,1 %

Ontario

11,4%

1 pour 2,24

Puisque la population de Toronto est plus de 50 % plus élevée que celle de Montréal, on peut raisonnablement présumer qu’il y ait 50% de plus de dossiers à Toronto qu’à Montréal.

En impôt, les statistiques de 2012 fournies par Monsieur le Juge en chef Rip sont les suivantes :

Impôt

Dossiers à Montréal

Dossiers à Toronto

Ratio (QC/Ont)

Appels déposés

              561

              868

1 pour 1,55

Appels fixés

              318

              530

1 pour 1,67

Appels entendus

                66

              182

1 pour 2,76

Appels ajournés

                76

                41

1 pour 0,54

Appels réglés

                68

              163

1 pour 2,40

Appels retirés

              102

              144

1 pour 1,41

 

Ces statistiques démontrent un parallèle entre les populations respectives et le nombre de dossiers en impôt devant chacun des tribunaux.

Voici les statistiques de 2012 en matière de taxes de vente (TPS):

Taxes de vente

Dossiers à Montréal

Dossiers à Toronto

Ratio (QC/Ont)

Appels déposés

              211

              144

1 pour 0,68

Appels fixés

              270

                93

1 pour 0,34

Appels entendus

                55

                25

1 pour 0,45

Appels ajournés

                40

                19

1 pour 0,48

Appels réglés

                60

                17

1 pour 0,28

Appels retirés

                91

                32

1 pour 0,35

 

En TPS, on constate donc que le nombre de dossiers est beaucoup plus élevé à Montréal qu’à Toronto. Il n’y a aucun parallèle entre ces statistiques et la population.

Enfin, si on compare le Québec avec le reste du Canada, 20,8% des appels en impôt déposés à la Cour canadienne de l’impôt en 2012 proviennent du Québec alors que 35,6 % des appels en TPS déposés à la Cour canadienne de l’impôt en 2012 proviennent du Québec. Selon les constats du Comité, les causes TPS à Montréal représentent 50% du volume au Canada.

Les statistiques en TPS à Montréal sont déconcertantes.

Au Québec, l’Agence du revenu du Québec, administre la TVQ et la TPS. Lorsqu’une cotisation est émise par l’Agence du revenu du Québec en TPS/TVQ, la loi octroi à l’Agence des pouvoirs de perception importants (saisie, mise en place d’hypothèque légale, etc.) et ce, même si le dossier est contesté devant les tribunaux. En impôt, ce n’est pas le cas puisque toutes les mesures de perception sont suspendues suite à la contestation de la cotisation.

En pratique, certains vérificateurs de l’Agence du revenu du Québec n’hésitent pas à émettre des cotisations en TPS/TVQ, même si les cotisations ont peu de fondements. Le contribuable doit donc s’opposer à la cotisation et se défendre (ce qui peut prendre plusieurs années et s’avérer très onéreux), donnant amplement le temps à l’Agence du revenu du Québec de saisir tous les biens du contribuable. Ainsi, avant même que le contribuable puisse faire valoir ses droits devant un juge, il pourrait être dans l’obligation de faire faillite ou de cesser d’opérer son entreprise. Malheureusement, ce sont les PME (créatrices d’emplois) qui sont les plus vulnérables.

De plus, il n’est pas rare que l’Agence du revenu du Québec se fie sur de petites déficiences techniques afin de cotiser déraisonnablement les petites entreprises. Par exemple, il y a des dossiers où l’Agence du revenu du Québec refusera un crédit pour intrants (remboursement de TPS/TVQ) dès qu’il y a un élément mineur manquant sur une facture.

[caption id="" align="alignright" width="142"] L'honorable Gerald J. Rip, Juge en chef[/caption]

En terminant, non seulement les statistiques énoncées ci-dessus dressent un portrait éloquent de la situation au Québec mais, de plus, le Juge en chef de la Cour canadienne de l’impôt a mentionné, lors de sa présentation, que la majorité des dossiers de TPS/TVQ procède devant la Cour canadienne de l’impôt (qui a juridiction en matière de TPS) et non devant la Cour du Québec (qui a juridiction en matière de TVQ), même si un dossier de TPS/TVQ est habituellement porté en appel devant chacun des tribunaux. Pour différentes raisons, les dossiers procèdent habituellement plus rapidement en Cour canadienne de l’impôt. Le résultant est quelque peu absurde puisque le Fédéral doit absorber la majorité des dépenses de Cour liées aux très nombreux dossiers émanant du Québec.

 

Alexandre Dufresne est l’actionnaire directeur de Spiegel Sohmer Inc., un cabinet d’avocats à Montréal.


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