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Droit immobilier, Litige

Vices cachés | 5 ventes d’immeubles: 3 réductions substantielles du prix de vente, une annulation de la vente et un recours rejeté

4 juin 2019

Par Laurent Debrun

Cinq décisions récentes viennent rappeler l’importance pour le vendeur d’un bien immeuble de divulguer tous les vices et problèmes connus ou suspectés et pour l’acheteur de faire une enquête approfondie. Le vendeur qui commet un dol en faisant de fausses représentations à l’acheteur peut voir des vices apparents transformés en vices cachés par le tribunal.

 

Bérard c. Noël, 2019 QCCS 1018 - http://canlii.ca/t/hzbzq

En raison de graves vices cachés, l’acheteur demande l’annulation de la vente d’un immeuble tout en réclamant le remboursement du prix payé ainsi que des dommages et 10 000 $ pour les troubles, ennuis et inconvénients.

Il s’agit d’une maison de campagne de construction artisanale dont la principale partie fut reconstruite récemment par ou sous le contrôle du vendeur.

Le vendeur connait l’acheteur depuis 40 ans. Le vendeur fait évaluer la maison par un évaluateur agréé qui va conclure que la valeur marchande de l’immeuble est de 106 500 $.

L’acheteur est un homme d’affaires dans le domaine immobilier. Il est propriétaire de 120 logements dans la région de Granby. Il a visité la maison pendant environ une heure et sait que le vendeur, qui n’est pas un professionnel, a rénové lui-même la maison. Le vendeur rassure l’acheteur que tout fut fait correctement. L’acheteur fait confiance au vendeur.

Le vendeur remet à l’acheteur le rapport de l’évaluateur. L’évaluateur indique dans son rapport d’importantes conditions limitatives voulant qu’il ne donne aucune opinion quant à d’éventuels vices ou autres problèmes pouvant affecter l’immeuble. L’acheteur admet que tout ce qui l’intéressait était le revenu de location de l’immeuble. Il ne fait donc aucune inspection préachat.

En ordonnant l’annulation de la vente en raison de l’ampleur des défauts, le tribunal va s’attarder aux informations que le vendeur a communiquées à l’acheteur et qui, se révélant fausses, ont induit l’acheteur dans un sentiment de sécurité qui a vicié son consentement et l’excuse des conséquences de ne pas avoir fait réaliser une inspection. Par exemple, le vendeur avait indiqué à l’acheteur qu’il n’y avait pas de vide sanitaire, car la maison reposerait sur une dalle de ciment. Ceci était faux à la connaissance du vendeur et, après la vente, ce vide fut découvert infesté de champignons et de pourriture. Même si le vendeur avait divulgué à l’acheteur, avant la vente, certains problèmes touchant divers aspects de la maison, c’est ce qu’il a sciemment omis de révéler ou qu’il a volontairement caché qui va engendrer sa responsabilité et dégager l’acheteur des conséquences de son défaut d’inspection préachat.

 

Leclerc c. Succession de Diotte, 2019 QCCQ 1614 - http://canlii.ca/t/hzdlh

Dans l’affaire récente Leclerc c. Succession de Diotte, le tribunal concluait plutôt qu’en présence d’indices sérieux de l’existence d’un problème (toiture en tôle de style cathédral présentant des traces d’infiltrations d’eau), les acheteurs n’avaient pas fait preuve de prudence et de prévoyance dans leur investigation des causes de ce vice apparent. Leur recours fut refusé.

 

Leclerc c. Lemieux, 2019 QCCS 1209 -  http://canlii.ca/t/hzkjl

L’acheteur demande l’annulation de la vente de la résidence acquise au prix de 132 000 $. Les vices découverts après la vente seraient si graves que seule l’annulation peut être envisagée. L’acheteur soutient que le vendeur ne pouvait ignorer de tels vices. Subsidiairement, il demande une réduction substantielle du prix payé, en sus des dommages. 

La résidence était annoncée sur le site DuProprio comme étant 100 % rénovée, le vendeur ayant fait lui-même les travaux. Les acheteurs font quatre visites en tout dont une fois avec un ami ou avec des membres de la famille. Chaque fois, ils ont librement accès à toute la maison. Le vendeur déclare la présence d’infiltrations d’eau au sous-sol due à la pluie et à la fonte des neiges tout en indiquant que ces problèmes furent réglés à la suite des travaux correctifs. Un peu avant la vente une infiltration d’eau touche le plafond et le vendeur fit réparer la toiture en prévenant l’acheteur. Moins d’un an après la vente, un dégât d’eau survient au sous-sol puis les acheteurs constatent la présence de flaques d’eau dans certains endroits de la maison. Dans le cadre de la recherche de l’origine de ces infiltrations d’eau, l’acheteur mandate un entrepreneur en excavation puis un inspecteur en bâtiment pour expertiser les lieux et donner une opinion sur l’ensemble des problèmes observés depuis la vente. L’inspecteur détecte rapidement des vices de construction majeurs. Ainsi, une erreur dans la construction du plancher et du drain agricole par rapport au reste de la fondation serait à l’origine de plusieurs des infiltrations. Le tribunal note que l’acheteur doit faire un examen raisonnable du bien avant de l’acheter; la possibilité pour l’acheteur de découvrir un vice suffit pour qu’il soit qualifié d’apparent. Ici, les acheteurs n’ont pas fait appel à un inspecteur avant l’achat, mais à un ami ayant seulement des connaissances générales en ébénisterie. Normalement, ceci est insuffisant pour que l’acheteur se décharge de son fardeau de prouver que les défauts sont des vices cachés.

Selon le tribunal, le manque d’intérêt des acheteurs démontre bien leur imprudence. Leur comportement n’est pas à la hauteur de ce à quoi l’on doit s’attendre d’un acheteur prudent et diligent. Faire intervenir un ami qui a des connaissances limitées dans la construction ne rencontre pas l’obligation d’un acheteur prudent. Une visite prudente et diligente, selon ce que le tribunal va conclure, aurait permis de révéler en grande partie l’état réel de la résidence. En l’occurrence, la quantité d’indices présents avant la transaction et l’inaction des acheteurs permet d’affirmer qu’ils n’ont pas agi comme des acheteurs prudents et diligents.

Mais c’est le comportement du vendeur qui va encore une fois changer la donne. Un vice pour être caché doit demeurer inconnu et occulte après que l’acheteur l’ait examiné. Le dol ou la fraude du vendeur peut non seulement influencer l’appréciation de la dénonciation, mais aussi transformer un vice apparent en vice caché. Ainsi des propos trompeurs faussement rassurants du vendeur peuvent fausser la compréhension par l’acheteur des vices même ceux qu’il a découverts. Pour qu’il y ait manœuvre dolosive, il faut que le vendeur n’ait pas dévoilé le vice caché qu’il connaissait ou encore qu’il ait tenu des propos rassurants qui ont faussé la compréhension par l’acheteur d’un vice que cet acheteur avait découvert ou pouvait découvrir. Rappelons que le vendeur n’a pas à déclarer un vice apparent aux yeux de tout acheteur prudent et diligent. Mais ici, les vendeurs avaient en leur possession un rapport d’un expert mandaté par un précédent acheteur qui avait fait une offre qui fut résiliée suite à cette inspection. Le tribunal étudie le contenu du rapport pour conclure que le vendeur avait, dès lors, l’obligation d’en divulguer la teneur à un autre acheteur. L’expert avait en fait découvert de nombreux problèmes dont ceux qui furent découverts un an après la vente. Le fait pour les vendeurs de détenir de telles informations et de s’abstenir de les divulguer alors même que la demande leur fut formulée constitue un dol. Le vendeur ici avait prétendu que le rapport n’était pas disponible alors qu’il l’avait en leur possession. Le vendeur a donc induit les acheteurs en erreur et les vices qui, même s’ils pouvaient être considérés comme des vices apparents, sont devenus, par ce comportement et ce dol, des vices cachés. Le tribunal n’annule pas la vente, mais accorde une réduction du prix de vente de près de 90 000 $ en sus de condamner les vendeurs à 10 000 $ à titre de dommages et intérêts.

 

Boucher c. Labadie, 2019 QCCS 1009 - http://canlii.ca/t/hzbwl

Achat d’un condominium dont on demande l’annulation. L’acheteur prétend être victime d’un dol, les vendeurs ont omis de l’informer de vices et de déficiences touchant non seulement le condominium acheté, mais également l’immeuble dans lequel il est situé. Dans le cadre des offres préalables à la vente, le vendeur avait divulgué qu’une poursuite avait été entreprise contre l’entrepreneur et le couvreur des planchers par le syndicat des copropriétaires, mais que l’unité vendue n’était pas affectée par le problème concernant les fenêtres, les murs et les rideaux. Une copie des procédures fut remise à l’acheteur avant la vente. Quelques semaines avant la vente, dans le cadre d’une réunion des copropriétaires, certains rapports d’experts additionnels furent distribués et, selon l’acheteur, ces expertises démontraient des problèmes d’une plus grande ampleur que ceux divulgués par le vendeur.

Celui qui entend prouver un dol à un lourd fardeau. Le dol consistant à induire volontairement en erreur une personne avec l’objectif de l’amener à contracter. On ne présume pas le dol. Le dol peut aussi résulter du silence ou de la réticence de la personne qui le commet. Ici le tribunal estime que jamais le vendeur n’a tenté volontairement d’induire en erreur l’acheteur pour l’inciter à acheter le condominium. Ayant en sa possession une copie de la procédure judiciaire, il incombait à l’acheteur de s’informer davantage, soit auprès du vendeur ou du syndicat des copropriétaires avant de signer l’acte d’achat. La lecture de la procédure devait soulever de sérieux doutes dans l’esprit de l’acheteur et donc lui imposait un devoir de s’informer. Avant de pouvoir intenter un recours fondé sur un prétendu dol, la personne qui a une obligation de se renseigner doit prouver l’avoir fait.

Cependant, après la vente, le syndicat des copropriétaires découvre d’autres déficiences touchant cette fois-ci l’enveloppe de l’immeuble. Ces déficiences, que l’acheteur ne pouvait déceler avant l’achat, constituent un vice caché que même le vendeur ignorait. Conséquemment, même si l’acheteur avait fourni au vendeur une renonciation en lien avec les déficiences traitées dans la poursuite judiciaire, cette renonciation ne couvrait pas des déficiences inconnues et découvertes après la vente. La vente n’est pas annulée, mais le tribunal octroie une somme de 30 000 $ en lien avec les déficiences post transaction touchant l’enveloppe.

 

6983499 Canada Inc. c. Gagné, 2019 QCCA 536 - http://canlii.ca/t/hzfv8

Il s’agit d’un appel d’un jugement ayant condamné les vendeurs à rembourser à l’acheteur la somme de 113 000 $, somme représentant une réduction du prix de vente d’un condominium compte tenu du défaut par les vendeurs de livrer un bien d’une superficie conforme à ce qui était prévu. L’offre de vente prévoyait une superficie de 2 904 pi2 alors que, dans les faits, la superficie n’était que de 2 557 pi2, une différence de 12 %. La référence à la superficie dans l’offre d’achat, selon le vendeur, était d’un chiffre brut et non pas net.

L’acheteur, un avocat, prétendait qu’on ne lui avait fourni aucune telle explication. Lors du procès il était en preuve que les acheteurs avaient déjà revendu le condominium pour un prix supérieur à celui qu’ils avaient payé. L’article 1737 du Code civil du Québec donne à l’acheteur le droit d’obtenir une réduction du prix si la superficie livrée ne concorde pas avec celle du contrat. C’est une réduction proportionnelle de l’obligation corrélative. Cette compensation ne doit pas permettre au créancier de l’obligation de s’enrichir, mais d’être purement et simplement indemnisé pour la déficience. La preuve d’expert quant à la valorisation de la déficience était fondée sur des facteurs tels que la configuration de l’unité, le marché pour des unités d’une taille semblable dans le même quartier, les conditions économiques au moment de la vente et les facteurs atténuants liés à l’unité en soi, comme, par exemple, l’absence d’une place de stationnement, etc. Une fois le prix au pi2 obtenu, le juge de première instance l’avait multiplié par le nombre de pi2 manquant pour obtenir le montant d’indemnisation. La Cour d’appel approuva cette méthode. Quant au fait que les acheteurs aient pu revendre avant le procès l’unité pour un prix supérieur, la cour d’appel estime qu’il n’y a rien ici qui puisse réduire le montant des dommages auquel ils ont droit, car la perte et le montant de l’indemnisation s’évaluent au moment de la violation par le vendeur de son devoir de livrer le bien convenu sans tenir compte de facteurs ultérieurs.

 

Cette publication vise à donner des renseignements généraux sur des questions et des développements d’ordre juridique à la date indiquée. Les renseignements en cause ne sont pas des avis juridiques et ne doivent pas être traités ni invoqués comme tels.