29 août 2024
17 mai 2017
Une récente décision de la Cour supérieure montre bien comment un détail peut faire chavirer un congédiement.
Mme Fortin travaillait pour un petit collège privé, propriété de son conjoint. Lors du décès subit de celui-ci, elle se retrouve propriétaire de toutes les actions de l’entreprise. Réalisant son besoin de support pour l’exploitation du collège, elle se tourne vers deux investisseurs, M. Landry et M. Boisvert, qui avaient auparavant eu des discussions avec son mari.
Les parties s’entendent rapidement pour l’achat d’actions, chacun détenant un tiers de l’entreprise. Elles signent une convention d’actionnaires et des contrats d’emploi.
Mais Fortin n’est pas douée pour le partage du pouvoir. Dotée d’une personnalité rigide, paternaliste et sans compromis, elle traite ses nouveaux partenaires comme des subalternes. Littéralement tout devient sujet à conflit au point où la situation devient invivable en moins d’un an.
Landry et Boisvert convoquent une réunion du conseil d’administration et, en l’absence de Fortin, la destitue à titre d’administratrice et la congédie comme employée.
Fortin entreprend un recours en oppression qui est rapidement réglé par le rachat de ses actions.
Fortin poursuit aussi le collège pour obtenir une indemnité en remplacement de son délai-congé. Elle réclame deux ans de salaire (ce qui correspond pratiquement au maximum accordé par les tribunaux). La Cour lui accorde finalement un an de salaire et donne au collège une petite leçon de droit du travail.
En effet, Landry et Boisvert avaient des reproches sérieux à faire valoir contre Fortin. Ils avaient même mentionné ces récriminations dans une lettre envoyée à Fortin avant son congédiement. Alors pourquoi le collège a-t-il eu à payer une indemnité si élevée? Simplement parce qu’il manquait un élément fondamental à leur lettre :
« Toutefois, cette lettre n’indique pas que Fortin doit cesser ces comportements, à défaut de quoi son lien d’emploi est en péril. (…) on [ne] retrouve [dans la lettre] aucune mise en garde ou avis voulant qu’à défaut d’agir de la façon correcte, l’emploi sera terminé. Bref, il manque de toute évidence un message de l’employeur contenant une explication de la situation à Fortin, afin que celle-ci amende son comportement en conséquence. »
En effet, dans la vaste majorité des cas, il ne suffit pas d’avoir de bons motifs de congédiement. Encore faut-il donner une chance raisonnable à l’employé de changer ce qui est source d’insatisfaction.
Voilà pourquoi il est toujours avantageux de consulter un avocat avant de faire un congédiement. À ce moment, l’employeur peut connaitre les risques auxquels il s’expose avant de passer aux actes.