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Responsabilité de l’administrateur et prescription

17 juillet 2020

Par Philippe Brunelle

Dans une décision récente, la Cour d’appel du Québec[1] rappelle non seulement l’étendue de l’obligation de l’administrateur d’une société relativement aux déductions à la sources et sa responsabilité en cas de défaut conformément à l’article 24 et suivant de la Loi sur l’administration fiscale, mais également ce que cela implique relativement aux années prescrites.

En effet, en première instance[2], la Cour du Québec avait retenu la responsabilité de l’administrateur de la société, considérant qu’il n’avait pas démontré selon la balance des probabilités qu’il avait agi avec un degré de soin, de diligence et d’habilité raisonnable. Ainsi, le Tribunal avait considéré que l’administrateur s’était aveuglément fié à l’opinion « biaisée et bâclée » de sa conjointe, fiscaliste de la société, voulant économiser en ne percevant et ne remettant pas les retenues à la source.

L’élément intéressant de cette décision de la Cour d’appel du Québec[3] concerne néanmoins le fardeau de preuve en matière d’années prescrites, soit les années précédant de plus de 4 ans l’émission des cotisations, qui ne peuvent normalement plus faire l’objet de nouvelles cotisations. En effet, en première instance, l’administrateur avait eu gain de cause relativement aux années prescrites, le Tribunal considérant alors que l’ARQ n’avait pas réussi à démontrer la fausse représentation des faits par incurie ou omission volontaire, et ce, malgré la conclusion à l’effet que le contribuable n’avait pas agi avec un degré de soin, de diligence et d’habilité raisonnable en ne procédant pas aux déductions à la source pour économiser.

La Cour d’appel conclue donc qu’il y a une contradiction insurmontable et que, dans la mesure où le Tribunal de première instance conclue qu’il y a eu aveuglement volontaire du contribuable et même volonté d’économiser en ne faisant pas les retenues à la source, la prescription doit être levée, et ce, même si le fardeau de preuve repose pour la prescription sur les épaules du Ministre. La décision de de première instance est donc renversée et l’avis de cotisation pour les années antérieures est rétablie.

Il faut donc retenir que les administrateurs doivent être prudents, car en plus de devoir assumer les obligations fiscales de la société en cas de défaut de celle-ci de procéder aux retenues à la source, il est fort possible que l’ARQ puisse remonter au-delà des années prescrites s’il y a aveuglement volontaire.

 

[1] Demers c. Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 681 (Cour d'appel du Québec)

[2] 6094350 Canada inc. c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCQ 556

[3] Préc., note 1


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