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Réouverture d’une année prescrite : il ne suffit pas de présumer

5 février 2021

Par Frédéric Delisle

En date du 25 janvier 2021, la Cour d’appel du Québec a rendu une courte décision fort intéressante quant au fardeau de preuve que doivent rencontrer les autorités fiscales afin de légitimement émettre un avis de cotisation pour une année prescrite. Il s’agit de la décision Boies c. Agence du revenu du Québec (2021 QCCA 107) disponible ici.

La décision dont il était fait appel a été rendue par l’Honorable Pierre Labbé de la Cour du Québec (division administrative et d’appel), district de Trois-Rivières, en date du 29 novembre 2018. Le dossier concernait une vérification des années 2005 à 2007 du contribuable par l’entremise d’une méthode de vérification dite du « mouvement de trésorerie ». En vertu de la vérification effectuée, des montants de revenus « non déclarés » substantiels avaient été ajoutés aux revenus déclarés du contribuable.

Il est à noter que le contribuable n’avait que très peu collaboré lors de la vérification et au niveau des oppositions. De plus, le contribuable a également fait preuve d’un certain laxisme dans le cadre de la gestion du dossier devant la Cour du Québec. Autre fait important à noter, le contribuable a reconnu avoir omis de déclarer des revenus et a accepté des ajustements pour l’année 2007 pour des revenus additionnels totalisant environ 142 000 $.

Le juge de première instance a ratifié les avis de cotisation émis à l’endroit du contribuable. Ce dernier a alors logé un appel. Selon la Cour d’appel, le contribuable semblait vouloir réitérer les arguments factuels qui avaient été soumis au juge de première instance. La Cour d’appel rappelle donc, à juste titre, que son rôle n’est pas d’évaluer une preuve factuelle de novo, et que son intervention quant à une appréciation des faits ne peut être justifiée que lorsqu’il y a une erreur manifeste et déterminante, ce qui n’était pas le cas en espèce pour les années 2006 et 2007.

Cependant, et c’est ici que se trouve l’aspect le plus pertinent de la décision, la Cour précise que l’Intimée (à savoir l’Agence) ne bénéficiait pas d’une présomption de validité pour l’avis de cotisation émis pour l’année 2005. En effet, cette année était prescrite au moment de l’émission de l’avis de cotisation pertinent, de sorte que l’Intimée se devait de démontrer l’existence d’une fausse représentation des faits par incurie ou omission volontaire, ou la présence d’une fraude, afin de justifier l’avis de cotisation émis.

Or, la Cour note ce qui suit :

« Le juge de première instance conclut en quelques mots au bien-fondé de l’avis de cotisation pour l’année 2005 puisque, selon lui, «la preuve prépondérante révèle que [le contribuable] a fait de fausses représentations ». Or, il n’indique pas sur quels éléments il base cette conclusion. La seule existence de fausses représentations sur certains faits admis par le contribuable en 2007 ne permet pas, en l’absence d’autres éléments, d’inférer qu’il a fait de fausses déclarations dans l’ensemble de ses déclarations et de le cotiser pour des années prescrites sur cette seule base. » (nos soulignements)

La Cour conclut alors que « […] les conclusions du juge pour l’année 2007 ne peuvent simplement être transposées en 2005 sans autre justification ».

Ainsi, il n’est pas suffisant pour l’Agence de démontrer qu’il y ait eu certaines fausses représentations pour bénéficier d’une présomption quant à la présence d’autres fausses représentations. Au contraire, il est le devoir de l’Agence de démontrer la présence de fausses représentations pour chacune des années visées par des avis de cotisations, lorsque lesdites années sont prescrites. Autre conclusion pertinente, il n’est pas suffisant qu’il y ait un défaut par le contribuable de renverser la présomption de validité d’un avis de cotisation émis pour une année non prescrite pour ensuite utiliser ce défaut à titre de justification pour l’ouverture d’une année prescrite.


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