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Droit des affaires, Droit fiscal

Professionnels, attention!: les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement pourraient vous affecter

4 avril 2016

Par Nathalie Proulx

Au Québec, les petites entreprises bénéficient d'une réduction de l'impôt payable sur le premier 500 000 $ de revenus tirés d'une entreprise exploitée activement. Ainsi, la déduction accordée aux petites entreprises (« DPE »), qui est applicable à cette tranche de 500 000 $, a réduit le taux fédéral d'imposition des sociétés de 15 % à 11 %, puis de 11,9 % à 8 % au Québec, résultant en un report d'impôt pouvant atteindre 39 500 $ annuellement. Depuis le 1er janvier 2016, le taux préférentiel fédéral a été réduit à 10,5 %, tandis qu'il n'y a eu aucun changement au Québec. Bien que cette réduction de 0,5 % soit positive, les budgets fédéral et provincial récents contiennent plusieurs mesures pour limiter l'accès à la DPE, ce qui pourrait affecter directement les professionnels qui se sont incorporés.

Le budget du Québec pour 2016

Pour les années d'imposition débutant après le 31 décembre 2016, seule une société privée sous contrôle canadien (« SPCC ») bénéficiera de la DPE du Québec si, durant l'année d'imposition, ses employés travaillent au moins 5 500 heures (maximum de 40 heures par semaine par employé, ces heures devant être payées, sauf dans le cas d'actionnaires). Cette mesure remplace le critère applicable en 2016 et annoncé dans le budget précédent, à savoir que les SPCC doivent avoir au moins trois employés à temps plein pour bénéficier du taux préférentiel. Dans l'ensemble, ces mesures augmenteront la dette fiscale de la majorité des professionnels incorporés de 3,9 % sur les premiers 500 000 $ de revenus, puisqu'ils ne répondront probablement pas aux nouvelles exigences.

Le budget fédéral pour 2016

Dans le budget fédéral de 2016 publié la semaine dernière, les libéraux ont présenté de nouvelles mesures pour limiter la multiplication de la DPE. Avant cette annonce, les règles en vigueur de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant le revenu de société de personnes déterminé limitaient la multiplication de la DPE dans le cas d'une entreprise exploitée par une société de personnes composée de compagnies qui ne sont pas associées entre elles. Résultat : seule une DPE pouvait être partagée entre les associés qui sont des compagnies. Toutefois, l'ARC a émis plusieurs décisions anticipées confirmant que ces règles ne s'appliquent pas lorsque le particulier, et non pas la compagnie elle-même, est membre de la société de personnes et la compagnie touche des honoraires de cette dernière aux termes d'une convention de services. Dans ces cas, chaque compagnie pouvait bénéficier de sa propre DPE. Cette structure, employée par beaucoup de médecins, fait l'objet de ces nouvelles mesures, de sorte que la multiplication de la DPE ne sera plus possible pour les années d'imposition débutant après le 31 décembre 2016.

Aux termes de ces mesures, la compagnie, et non le particulier, est essentiellement réputée être membre de la société de personnes. Par conséquent, la DPE doit être partagée par tous les associés.

Ces mesures s'appliquent également lorsque l'entreprise est exploitée par une compagnie plutôt qu'une société de personnes et que les particuliers rendant physiquement les services sont des actionnaires de cette compagnie et de leur propre compagnie, laquelle perçoit des honoraires de la compagnie en raison d’une convention de services.

Prenons l'exemple d'une société de personnes formée de cinq médecins, chaque médecin ayant incorporé sa pratique et touchant un revenu annuel de 250 000 $ par l'entremise de sa compagnie. Avant 2016 et pourvu que la structure appropriée ait été mise en place, les cinq compagnies auraient été imposées au taux de 18,5 %, plutôt que 26,9 %. Selon les nouvelles mesures, elles devront partager la DPE et chaque compagnie sera alors imposée au taux de 22.3 % sur les premiers 100 000 $ de revenus (soit à un taux provincial de 11.8 %, en présumant que les nouveaux critères ne sont pas rencontrés, et à un taux fédéral de 10.5 %) et de 26,8 % sur le restant. Cela signifie donc que 750 000 $ de revenus gagnés par les cinq médecins seraient maintenant imposés à un taux d'imposition plus élevé.

Le budget du Québec ne prévoit pas de mesures similaires, mais il est probable qu'elles seront adoptées.

Nonobstant les limitations considérables à la DPE, les professionnels constitués en société peuvent toujours bénéficier de divers avantages fiscaux, à savoir le fractionnement du revenu entre les membres de la famille (excluant les enfants mineurs) et le report d'une partie importante des impôts en gardant des profits dans la compagnie. De plus, ces nouvelles mesures ne s’appliqueront pas à une entité créée avec la seule intention de partager les dépenses, mais pas les revenus.

Compte tenu de ces nouvelles mesures, nous recommandons que les professionnels, tels les médecins, obtiennent des conseils juridiques afin d’évaluer leurs options. Nous serions heureux de vous aider à trouver une solution; à cet égard, veuillez communiquer avec Me Morris Jacobson (514-875-8683) ou Me Nathalie Proulx (514-875-3562) pour discuter de votre situation.