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Vendeurs, devez-vous divulguer tous les facteurs connus et susceptibles d'influencer la décision de l'acheteur, même s'ils ne concernent pas le bien vendu?

18 janvier 2019

Par Laurent Debrun

En effet, le vendeur d’un terrain peut être tenu à la garantie légale quant au sol nonobstant le fait que l’acte de vente prévoit expressément que la vente est faite sans aucune garantie quant à la condition du sol. Tout dépend de ce que le vendeur sait au sujet de l’état du sol et qu’il omet de divulguer à l’acheteur. Dans un arrêt récent, la Cour d’appel a imposé au vendeur l’obligation de communiquer des informations concernant des terrains autres que celui objet de la vente car ces informations auraient influencé la décision de l’acheteur (Monarque du Richelieu Inc. c. Boisé Richelieu Inc. (2018 QCCA 2168)) - http://canlii.ca/t/hwp41

Les faits sont simples. En 2000, Boisé Richelieu Inc. (Boisé) achète des terrains d’une superficie de 19 millions de pieds carrés à Trois-Rivières pour y construire un golf et des centaines de maisons. Rapidement, Boisé découvre un problème avec l’état du sol, là où elle commence à construire trois maisons, soit la présence d’argile sous-consolidée. Les fondations s’affaissent. Boisé obtient une expertise de l’état du sol recommandant certaines mesures particulières lors de la construction des futures maisons pour éviter cette situation.

En 2009, après une année de négociations, Monarque du Richelieu Inc. (Monarque) achète de Boisé les terrains non encore développés, soit 12,5 millions de pieds carrés, pour continuer le même développement domiciliaire.

Monarque ne fait aucune analyse du sol car le président de Boisé, qui a déjà construit 400 maisons sur les autres terrains, ne lui mentionne pas avoir vécu des problèmes causés par l’argile sous-consolidée.

L’acte de vente prévoit notamment que le vendeur étant un professionnel expérimenté, il n’accorde aucune garantie du sol ce dernier n’ayant fait aucune expertise de quelque nature que ce soit. Le vendeur ne fournit aucune garantie et n’est aucunement responsable de tous travaux de drainage ou d’excavation qui pourraient être nécessaires sur ce terrain.

En 2011, la société Monarque commence à construire. Rapidement, elle découvre des problèmes avec le sol, notamment la présence d’argile sous-consolidée. Monarque apprend alors que Boisé avait connu les mêmes problèmes à proximité, les obligeant à poser des pieux de soutènement. Une action en dommages suit en 2014, Monarque réclamant à Boisé le coût additionnel de construction et autres dommages, se disant victime d’un dol (faute civile). Le premier juge rejette l’action, estimant que le vendeur n’est pas tenu de dénoncer des faits touchant des terrains autres que ceux visés par la vente. Le juge considère également que l’acheteur est expérimenté, qu’il aurait dû procéder à une analyse du sol surtout compte tenu que l’acte de vente excluait toute garantie légale quant à l’état du sol.

La Cour d’appel renverse ce jugement au motif que le vendeur était tenu à une obligation de renseignement. Le vendeur ne pouvait se contenter de répondre honnêtement aux questions, il doit dénoncer tout ce qui est susceptible d’influencer l’acheteur.

Manquer à ce devoir de renseignement, par un silence ou une réticence, constitue un dol qui vicie le consentement de l’acheteur. Ce dol est différent de la garantie légale contre les vices cachés, offrant à la victime un recours même là où elle y a renoncé. L’acheteur trompé qui prouve le dol de son vendeur peut le tenir responsable, même s’il ne bénéficie pas autrement d’une garantie contre les vices cachés.

La Cour d’appel estime que le vendeur ne pouvait se contenter de divulguer des faits touchant les terrains qu’il vendait. Il devait dire à l’acheteur tous les faits capables de modifier la décision de l’acheteur. Même un fait qui ne concerne pas un défaut du bien peut être déterminant pour un acheteur. Ici, comme Boisé avait procédé à une expertise du sol des terrains voisins en 2000, apprenant la présence d’argile sous-consolidée, elle devait informer Monarque car il était probable que ce problème concerne également les autres terrains même si le sol sur ceux-ci n’avait jamais fait l’objet d’une expertise.

La Cour d’appel octroie des dommages de 1 059 000 $ correspondant au coût des travaux correctifs requis pour construire.

Retenons de cet arrêt qu’un vendeur prudent divulguera le plus d’informations pertinentes possibles à son acheteur même si ce dernier renonce à la garantie légale.

 

 

Cette publication vise à donner des renseignements généraux sur des questions et des développements d’ordre juridique à la date indiquée. Les renseignements en cause ne sont pas des avis juridiques et ne doivent pas être traités ni invoqués comme tels.


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