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Droit des affaires

Les clauses de non-concurrence : utiles ou pas?

17 septembre 2013

Par Nathalie Proulx

Est-ce que ça vaut vraiment la peine de négocier les clauses de non-concurrence dans des contrats de travail, des contrats de vente d’entreprise ou les conventions entre actionnaires? Ces clauses cherchent à limiter la possibilité que d’ex-employés ou que le vendeur d’une entreprise se lancent en affaires contre leur ex-employeur, ou celui à qui ils ont vendu. Cependant, les tribunaux se sont souvent méfiés de ces clauses et n’ont pas hésité à les invalider.

Je crois toutefois que ces clauses ont encore une utilité. Mais elles doivent être rédigées au bistouri, pas à la hache!

Contrats de travail

Le Code civil du Québec prévoit que pour être valide, une clause de non-concurrence doit répondre à certaines conditions. Elle doit:

  1. être prévue par écrit et en termes exprès;
  2. être limitée quant à sa durée;
  3. être limitée quant à son étendue territoriale; et
  4. être limitée quant au genre de travail restreint.

La durée de la clause, son étendue territoriale et le genre de travail qu’elle restreint devront être limités selon ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur. Le caractère raisonnable des limites contenues à la clause est donc primordial.

Qu’est-ce qui est raisonnable?  Les tribunaux vont notamment prendre en considération le poste occupé par l’ancien employé, l’importance de ce poste, son influence sur les clients et les partenaires d’affaires de l’employeur, la durée de son emploi et les circonstances de son départ.  La même clause ne peut probablement pas être utilisée pour tous vos employés!  Assurez-vous donc d’adapter vos contrats d’emploi en conséquence.

Les clauses doivent aussi être rédigées de façon précise et compréhensible. Par exemple, une clause limitant la concurrence dans le territoire du Vancouver métropolitain a été jugée invalide parce qu’elle était trop floue. En effet, il n’existe aucune définition standard de ce qu’était le Vancouver Métropolitain…

Contrats de vente d’entreprise et conventions entre actionnaires

En matière de conventions commerciales, les tribunaux appliquent les mêmes critères que pour les contrats de travail, mais avec plus de souplesse puisque le rapport de forces n’est généralement pas le même.

Cette règle comporte évidemment des exceptions, par exemple lorsqu’il est démontré qu’un actionnaire n’est en fait qu’un employé qui a reçu des actions à titre d’encouragement, auquel cas les tribunaux auront tendance à interpréter la clause de non-concurrence contenue dans une convention entre actionnaires s’appliquant à cet employé de façon aussi restrictive qu’en matière d’emploi.

Afin d’assurer leur raisonnabilité, les paramètres des clauses de non-concurrence prévues aux conventions commerciales doivent être limités à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts véritables de l’entreprise.

Ainsi, le territoire doit être défini de façon claire. Des formulations beaucoup trop vastes telle que le « monde entier » doivent évidemment être évitées et ce, même pour les compagnies qui effectuent leurs ventes sur internet.

Les activités visées par la clause doivent également être clairement définies et limitées aux activités actuelles ou courantes de l’entreprise.

En ce qui concerne la durée, il faut entre autres se demander, dans le cadre d’une convention entre actionnaires, combien de temps est nécessaire pour le repositionnement de l’entreprise dans le marché lors du départ d’un actionnaire.  Quant aux ventes d’entreprise, les tribunaux ont souvent vu une corrélation entre la durée de la clause de non-concurrence applicable au vendeur et la période sur laquelle la balance de prix de vente lui est payée.

En résumé, la rédaction des clauses de non-concurrence, qu’elle soit dans un contexte de contrat de travail ou de convention commerciale, est un exercice délicat qui mérite une réflexion adaptée à chaque situation.  Assurez-vous d’obtenir les conseils d’un professionnel qualifié à cet effet.

Nathalie Proulx pratique en droit des affaires, plus particulièrement dans les secteurs des fusions et acquisitions et du financement.  Elle conseille également plusieurs entreprises quant aux diverses questions de droit auxquelles celles-ci font quotidiennement face.