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Conjoints mariés avant juillet 1970 : ne manquez pas votre occasion de reporter l’impôt au décès

8 juin 2017

Au Québec, les conjoints mariés avant le 1er juillet 1970 sans avoir signé de contrat de mariage sont assujettis au régime légal de la communauté de biens, en conformité avec les règles du Code civil du Bas-Canada. Quoique ces dispositions aient depuis été abrogées, les conjoints mariés sous ce régime continuent d’y être soumis.

Contrairement aux régimes matrimoniaux modernes, le régime communautaire affectait les droits de propriété des époux sur les biens formant leur patrimoine commun. Il donnait naissance à une sorte de copropriété en indivision entre mari et femme, et non uniquement à des droits de créance personnels.

Avec chaque année qui s’écoule, de moins en moins de couples demeurent assujettis à ce régime, et les règles qui le régissent s’effacent peu à peu de notre mémoire collective. Encore aujourd’hui, pourtant, nombreuses sont les successions qui s’ouvrent et qui impliquent de tels mariages.

Dans de tels cas, il est crucial de se remémorer les règles particulières gouvernant le régime de la communauté de biens, et de ne pas rater les occasions de planification fiscale qu’elles permettent.

Pendant le mariage, peu importe lequel des époux apparaît comme propriétaire en titre d’un bien commun, les deux époux sont considérés en être les copropriétaires indivis. Le mari a cependant le droit exclusif de gérer et d’administrer comme bon lui semble ce patrimoine commun et les fruits et revenus qu’il génère. Il s’agit d’un cas particulier d’indivision, dans lequel les biens sont, pendant le mariage, affectés à une fin déterminée — les intérêts du ménage.

La possibilité pour l’épouse d’exercer ses droits à titre de copropriétaire est extrêmement limitée, voire inexistante. En 1962, dans la décision Sura c. Minister of National Revenue, [1962] R.C.S. 65, la Cour suprême a décrit comme suit la nature des droits de la femme sur les biens communs durant le mariage :

« s’il est vrai, comme je le crois, que la femme est copropriétaire des biens communs, il est également vrai qu’elle n’a pas l’exercice de la plénitude des droits que confère normalement la propriété. […] Son droit est informe, démembré, inférieur même à celui de quelqu’un qui a la nue propriété d’un bien et dont un autre a l’usufruit. Il est stagnant, presque stérile, parce qu’improductif durant la vie du conjoint. Ce n’est qu’à la dissolution de la communauté que la femme sera investie de la plénitude de son droit de propriété, […] dont sa condition maritale l’avait temporairement dépouillée. »

Le décès de l’un ou l’autre des époux dissout la communauté de biens. Dès lors, les biens communs cessent d’être affectés aux intérêts du ménage. L’époux survivant et les héritiers du défunt demeurent alors en indivision postcommunautaire.

Ainsi, lors de la dissolution, aucune transmission n’a lieu, et la femme ne reçoit aucun droit réel provenant du patrimoine du mari. L’indivision postcommunautaire subsiste jusqu’à ce qu’il y ait partage de la communauté, ou renonciation à ce partage par la femme.

L’épouse survivante, ou les héritiers de l’épouse défunte, selon le cas, peuvent exercer un droit d’option quant à la communauté : accepter son partage, ou, sujet à des conditions de forme et de publicité, y renoncer. Des délais précis sont prévus pour ce faire. Le mari ou ses héritiers, pour leur part, ne disposent pas d’un tel choix.

Dès l’acceptation de l’épouse, son statut de copropriétaire des biens communs devient irrévocable. Si elle renonce, elle perd rétroactivement tous droits qu’elle aurait pu avoir sur les biens communs, et le mari est réputé en avoir toujours été le propriétaire unique.

Dans le cours normal, après l’acceptation, un partage de la communauté doit avoir lieu, en conformité avec l’ensemble complexe de règles applicables.

À la différence du partage du patrimoine familial ou de la liquidation de la société d’acquêts, le partage de la communauté ne crée pas un droit de créance entre les époux établi en fonction de la valeur des biens au moment de la dissolution. Il s’agit plutôt de confirmer les droits réels des époux à titre de copropriétaire indivis des biens communs, et de mettre en œuvre leur droit de partager ces biens entre eux. Cette particularité du régime communautaire a pour effet d’ouvrir la porte à des opportunités de planification fiscale qui n’existent pas pour les couples mariés en vertu d’un autre régime matrimonial au Québec.

Dans tous les cas, cependant, la décision d’accepter ou de renoncer au partage de la communauté ne devrait être prise qu’après l’élaboration d’une planification fiscale soignée, à la lumière des importantes possibilités de report d’impôt offertes par la législation fiscale dans de telles circonstances. Il en va de même de la détermination de la façon de procéder au partage, le cas échéant.

En effet, plusieurs successions pourront éviter le paiement immédiat d’impôts sur gain en capital autrement provoqués par le décès, et ce, quant à une portion considérable des biens communs des époux, en profitant de dispositions de roulement entre époux qui seraient autrement inapplicables.

Si vous êtes héritier ou liquidateur d’une succession dans laquelle le défunt s’est marié avant 1970, nos avocats œuvrant en fiscalité, en succession et en droit civil peuvent vous aider à prendre les bonnes décisions concernant la dissolution et le partage du régime matrimonial.

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